Critiques
Guillaume Bottazzi : Espaces oniriques
Mechteld Jungerius – TL Magazine – Mai 2021
Une sculpture créée par Guillaume Bottazzi tente de modifier notre perception de l’environnement.
Située dans le prolongement du jardin de Mallet-Stevens, attenant à la Villa Cavrois, une sculpture de trois mètres de haut a été réalisée par Guillaume Bottazzi en mai 2021. Cette création a pour but de nous emmener dans un monde irréel qui modifie notre perception de l’environnement. Elle cherche à nourrir le passant en lui offrant une forme d’irréalité et en le faisant rêver. Elle crée un espace onirique qui évolue et apporte la joie d’habiter à un lieu de vie.
Les œuvres de Guillaume Bottazzi créent des espaces oniriques, un espace onirique dans lequel nous vivons. L’espace n’existe pas en soi mais est une construction mentale. Ces œuvres au-delà de la réalité modifient notre environnement et nous font rêver. C’est la raison pour laquelle l’imagination prime dans la création des espaces que nous occupons, car nous habitons avant tout des espaces oniriques. Notre imagination conditionne nos perceptions et nos pensées. Les espaces que nous habitons ne sont pas un contenant objectif d’éléments. Ces espaces poétiques nourrissent notre créativité et stimulent notre construction.
Guillaume Bottazzi est un artiste visuel français, né en 1971, qui a installé son atelier à Bruxelles depuis 2012. A l’âge de 17 ans, il décide de devenir artiste et d’en faire son unique activité. Il commence à étudier la peinture en Italie, à Florence. De retour en France, lauréat d’un concours, il s’installe dans un atelier mis à sa disposition par le ministère français de la Culture qu’il quitte ensuite pour émigrer dans le sud de la France. Plus tard, il part vivre et développer sa carrière à New York.
L’art des courbes dans le monde réel : un regard psychologique sur l’art de Guillaume Bottazzi
Helmut Leder et Marcos Nadal* – Université de Vienne – Faculty of Psychology Department of Basic Reasearch and Research Methods – Août 2019
*Helmut Leder et Marcos Nadal sont les auteurs d’une recherche de 10 ans intitulée « Les effets de l’art sur le cerveau ».
Avant de continuer votre lecture, levez le nez, et regardez l’espace autour de vous.
Vous vous trouvez vraisemblablement à l’intérieur. Comment devinons-nous cela ? Et bien parce qu’aujourd’hui, la plupart des gens passent près de 90 % de leur vie à l’intérieur de bâtiments. De plus, il est également probable que la plupart des objets qui vous entourent et les éléments qui constituent la pièce où vous vous trouvez soient fabriqués par l’homme ou conçus par un créateur humain. Avez-vous déjà réfléchi à la façon dont cet environnement influence vos sentiments, vos pensées et vos comportements ?
L’artiste Guillaume Bottazzi a consacré une grande partie de son travail à redessiner des aspects de notre environnement. Il réalise cela non seulement en créant des objets tels que des œuvres d’art en 2 ou plusieurs dimensions, qui peuvent devenir partie intégrante de l’environnement, mais aussi par des interventions qui changent l’apparence de notre environnement à grande échelle. De telles interventions influencent entre autres choses notre perception et notre appréciation de ces environnements — Et plus encore ! par exemple, ce que nous ressentons !
Voilà comment l’art de Guillaume Bottazzi est perçu à travers le prisme de la psychologie. Mais pourquoi aborder son art, ou n’importe quel art d’ailleurs, d’un point de vue psychologique ? La psychologie est la science de l’esprit et du comportement. À ce titre, elle tente de comprendre ce qui fait de nous ce que nous sommes en tant qu’individus et communautés, ce qui nous pousse à agir et ce qui nous paralyse, ce qui nous incite à créer, ce qui nous fait désirer et ressentir, et d’où viennent nos joies et nos peines. Une somme importante de qui nous sommes et de ce que nous ressentons est directement liée à nos interactions avec notre environnement ; et plus précisément à la façon dont nous nous façonnons et dont nous existons dans notre environnement proche.
La psychologie pratiquée aujourd’hui est essentiellement une science empirique basée sur des données prélevées au cours d’expériences visant à vérifier et à prouver des théories psychologiques. Par conséquent, dans le cadre de notre pratique en tant que chercheurs en psychologie, nous effectuons souvent des expériences en laboratoire et sur le terrain ou des observations systématiques, et nous recueillons des données qui affirment ou infirment les hypothèses qui guident nos études. Beaucoup de choses ont été révélées sur le fonctionnement de l’esprit humain et du cerveau après plus de 150 ans de recherches. Si l’art concerne l’émotion humaine et la raison, ou a trait à la façon dont les humains se voient et voient le monde autour d’eux — et nous en sommes convaincus — alors la psychologie peut contribuer à mieux comprendre la manière dont l’art en général, et l’art de Bottazzi en particulier, est vécu.
À la fin du XIXe siècle, lorsque la psychologie fut établie en tant que discipline académique, la plupart des recherches portaient sur la perception sensorielle. Suivant la tradition d’Herman Helmhotz et d’autres grands physiologistes de l’époque, les psychologues souhaitaient mesurer le côté intime d’actes de perception simples : comment la lumière atteignant l’œil se traduit-elle en une expérience sensorielle ? Quel effet cela produit-il ? Cette expérience subjective est-elle effectivement liée à la quantité et à l’intensité de la lumière ? Le fait de pousser plus loin ce genre de questionnements a produit un axe de recherche très intéressant. Ainsi, un bon nombre de prouesses et d’astuces utilisées par l’esprit humain pour comprendre le monde a été dévoilé. Un bon nombre de préjugés, de contraintes et de limites qui aident l’esprit à gérer la vaste gamme d’informations et d’événements qui se déroulent autour de lui a également été repéré. Quelques-unes de ces prouesses et de ces contraintes s’associent afin de doter les humains d’empan de mémoire, d’une capacité d’attention limitée ou d’une constance perceptive de la couleur et du regroupement visuel, parmi plusieurs autres exemples possibles. Cependant, une tout autre tradition vise à comprendre des expériences perceptives beaucoup plus complexes, comme l’appréhension d’images, d’œuvres d’art ou encore du cadre complet et complexe de notre environnement tel que nous le percevons. Au XIXe siècle, les fondateurs de la « nouvelle science » de la psychologie avaient déjà préconisé cette approche, mais pour de nombreuses raisons, son essor fut beaucoup plus lent. Bien qu’une science de la perception de l’art soit désormais établie en psychologie , la perception et la compréhension de notre environnement n’ont que récemment pris une place de choix en psychologie.
Que savons-nous sur la perception de notre environnement ? Nous savons que des images représentant un paysage de bord de mer, une forêt ou un environnement anthropique peuvent être identifiées en un seul coup d’œil, même lorsque celles-ci sont présentées aux personnes pendant à peine 1/10e de seconde . En ce qui concerne les préférences données à certains environnements, nous savons que la nature est particulièrement appréciée si celle-ci est perçue d’un point de vue sécuritaire et dissimulé, et qu’elle offre une vue d’ensemble et la possibilité de l’explorer davantage . Il est également connu que les personnes préfèrent invariablement les paysages naturels, aux scènes urbaines.
Cette dernière constatation est particulièrement frappante, parce que nous passons l’essentiel de notre vie dans des espaces fabriqués par l’homme. Si vous pensez à votre routine quotidienne et à celles de vos proches, vous constaterez facilement que les habitants des pays occidentaux n’ont que très rarement un contact direct avec une nature préservée. Pourquoi aussi peu d’études ont-elles été menées pour comprendre comment les environnements conçus et créés par les humains influencent nos vies et nos sentiments ? C’est l’un des mystères de notre domaine de recherche. Ceci est difficilement compréhensible, car même le bon sens suggère que la conception et la création de milieux de vie pourraient bénéficier des connaissances que nous avons sur la façon dont les gens perçoivent et évaluent les différentes alternatives, et même de ce à quoi devraient ressembler les espaces de vie.
Cependant, une chose est très claire : les personnes interrogées réagissent aux aspects des objets et des lieux, et parmi ceux-ci ressortent des dominantes visuelles de base. Les psychologues, et les philosophes avant eux ont longtemps cherché les éléments visuels de base qui guident nos préférences et influencent nos sentiments et notre bien-être.
Alors, existe-t-il des règles générales qui pourraient prédire ce que la plupart des gens vont aimer ? Ce qui ressort le plus souvent des recherches réalisées est le fait que les courbes influencent les réactions esthétiques. Les individus préfèrent les objets arrondis aux objets pointus . Ceci a été démontré en design automobile, où une conception arrondie est souvent plus appréciée ; et il paraîtrait même que le goût et la mode agissent également sur ces préférences. De manière plus systématique, il a été démontré que lorsque des images d’objets tels que des montres, des canapés, des jouets, etc. sont présentées sur un écran d’ordinateur pour un temps très bref, alors les versions des objets aux lignes arrondis sont beaucoup plus appréciées . Dans une étude de suivi, ces chercheurs démontrent également que la préférence affichée pour les formes courbes est liée à une activité plus faible des régions du cerveau pouvant être associées à la peur . Donc, les formes arrondies pourraient être préférées parce qu’elles semblent moins dangereuses, ou tout simplement parce qu’elles sont intrinsèquement attirantes . L’idée que la courbe soit une ligne primitive esthétique confirme les revendications des philosophes depuis le XVIIIe siècle. Burke par exemple, croit que la beauté est lisse, sans rebords ou angles fermés. À cet égard, le travail de Guillaume Bottazzi illustre parfaitement l’utilisation de ces dominantes de base qui suscitent automatiquement du plaisir, sans doute inconsciemment, et qui attirent l’œil. Comme beaucoup d’artistes, il utilise intuitivement ces principes et produit ainsi des doses visuelles de plaisirs sensoriels.
Cette photographie de l’exposition de Bottazzi au Musée d’Art International Miyanomori (MIMAS) en 2011 présente également un contraste net entre les formes du travail artistique et celles des principaux éléments architecturaux, tels que les cadres, le plafond, les différents angles droits. La présence d’éléments rectilignes n’est jamais bien loin… regardez à nouveau votre espace de vie actuel.
Alors la question se pose : l’architecture pourrait-elle être une exception à notre préférence marquée pour les courbes ? Pour répondre à cette question, avec un vaste réseau de collègues du monde de la psychologie, de la neuroscience et de l’architecture, nous avons mené une étude dans laquelle nous demandions aux participants de regarder des images soigneusement sélectionnées d’espaces architecturaux intérieurs plutôt modernes. Nous leur avons demandé d’évaluer chaque espace intérieur, et pendant cet exercice, nous avons enregistré leur activité cérébrale à l’aide de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle. Nous avons examiné « comment une variation systématique des formes impactait les jugements esthétiques et la décision de rejet, mesurant à la fois les résultats de l’intérêt des architectes et des utilisateurs d’espaces. » (p. 10446)
Les personnes qui ont participé à notre expérience ont trouvé les espaces intérieurs aux formes courbes beaucoup plus beaux que ceux composés principalement de lignes droites et d’angles, comme pour les autres domaines esthétiques mentionnés plus haut. Les résultats d’imagerie du cerveau ont montré que le fait de regarder des pièces aux formes arrondies augmente l’activité du cortex cingulaire antérieur, une région du cerveau connue pour ses réactions à l’importance émotionnelle et aux aspects gratifiants des objets. Nous avons également pu démontrer que l’évaluation de la beauté par les participants et leur activité cérébrale à ce moment-là était essentiellement caractérisée par la douceur. De ces résultats, nous avons conclu que « les effets prouvés qu’exercent les formes arrondies sur la préférence esthétique s’appliquent aussi à l’architecture. En outre, l’association de données comportementales et neuronales probantes souligne le rôle qu’occupe l’émotion dans notre préférence pour les objets curvilignes dans ce domaine. » (p. 10446)
Ainsi, même en architecture les courbes et les formes arrondies suscitent des sentiments agréables qui génèrent une plus grande appréciation de la beauté des conceptions architecturales présentant de telles caractéristiques visuelles. Il s’agit ici d’une conclusion déterminante pour deux raisons. Tout d’abord, l’on croyait que cette préférence était principalement liée aux objets qui pouvaient être manipulés et touchés. Nous savons désormais que cette préférence s’étend également aux espaces qui nous entourent. Deuxièmement, la plupart des espaces architecturaux dans lesquels nous vivons ne présentent pas de formes arrondies. Cependant, l’art a le potentiel d’apporter cet élément. C’est ce fait l’œuvre de Bottazzi. Les exemples de la Figure 2 démontrent comment des bâtiments aux formes rectilignes et cubiques sont dissimulés par les peintures murales de Bottazzi. Celles-ci recouvrent non seulement les façades de couleurs, mais elles transforment également l’aspect de la structure, la rendant plus agréable avec ses arrondis et ses courbes très esthétiques.
À cet égard, les projets de Bottazzi font partie d’une longue tradition de peintures murales utilisées pour créer des illusions qui ne correspondent pas à la structure physique sous-jacente ; comme on peut le constater dans l’architecture baroque ou le mouvement Art déco espagnol, plus connu à travers les œuvres de Gaudi, par exemple. Toutefois, l’étude de la conception de notre environnement pourrait bénéficier de ces connaissances, de ces recherches et de ces éléments connus qui affectent les gens dans leur cadre de vie.
Ainsi, la perception de l’art et de l’architecture d’un point de vue psychologique révèle que les deux domaines produisent des objets fascinants qui nous procurent au quotidien et partout où nous allons un plaisir en raison de leur beauté et de leur esthétisme. Si nos conclusions sont justes, alors vous devriez également être en mesure de recevoir de petites doses de plaisirs en regardant ou en vous laissant submerger par les oeuvres d’art de Guillaume Bottazzi.
La symbiose quotidienne entre la ville et l’art
Juan Paolo Casado, Licencié en littérature – Arte Al Limite – Juin 2017
Les interventions monumentales dans des espaces publics dialoguent avec l’observateur en lui apportant du plaisir et du calme. L’œuvre abstraite du peintre Français Guillaume Bottazzi souhaite apporter l’art au plus proche des citadins.
L’inspiration provenant de la sensualité propre à la culture latine, a marqué le commencement de sa vie dédiée à l’art. Guillaume Bottazzi a migré de France en Italie, à Florence à l’âge de 17 ans. C’est là, dans l’un des centres de la culture occidentale qu’il a commencé à parfaire un langage visuel abstrait tourné vers l’occupation des espaces publics.
« Mes travaux dans l’espace public sont souvent permanents, alors qu’une exposition dans un musée est temporaire » explique Guillaume Bottazzi, qui a utilisé l’espace public dans des villes comme Bruxelles, Hong Kong et Tokyo pour transmettre le message que, d’après lui, l’expérience esthétique transforme les éléments du quotidien. Pour le peintre Français, le fait de montrer régulièrement ses œuvres au public lui permet de comprendre et d’expérimenter l’art comme une réalité qui apporte de la richesse à la vie de tous les jours.
La façon poétique dont l’artiste investit l’espace génère un impact sur l’observateur. Ce dialogue entre l’œuvre et ce qui l’entoure crée un lien entre les individus et leur environnement qui s’amplifie avec la monumentalité de chaque réalisation. Ces caractéristiques insistent l’observateur à se déplacer pour apprécier l’œuvre dans toute sa dimension. L’immersion générée par cette découverte l’implique de façon physique. Ainsi, « l’œuvre s’inscrit dans l’expérience personnelle du spectateur », explique l’artiste.
« Je crois qu’en matière de création les règles doivent être transgressées », soutient Bottazzi , pour qui la répétition est un ennui. Pour lui, l’inspiration ne peut se réduire à une structure, elle est rebelle et capricieuse ; « créer une œuvre d’art est pour moi un acte de sublimation, un dépassement de soi. », dit-il.
La pénétration et l’impact suscité par les créations de Guillaume Bottazzi va au-delà de l’évocation de volume impliqué par la tridimensionnalité. Ses interventions font part de l’environnement, un environnement que le spectateur voit sous une nouvelle perspective réinventée à la manière de l’artiste. La psychologie joue un rôle conséquent dans cette conversation, c’est l’intermédiaire qui donne sa forme subjective à l’expérience de chaque spectateur.
Les techniques propres à l’art abstrait permettent à Bottazzi de créer des formes éthérées qui – comme si elles étaient faites de vapeur – se diffusent et se mélent à la surface. « Le support est une partie constitutive de l’œuvre, il donne une impression d’infini. Je montre le visible et le non visible » , dit le peintre. Pour vérifier cela, il suffit de regarder comment la lumière entre en jeu, allant au-delà du cadre qui définit et contient chaque tableau.
Les grandes dimensions que les créations de Bottazzi ont souvent ont demandé à l’artiste de passer plusieurs semaines dans l’espace public. Depuis le commencement, la réalisation de l’œuvre est visible des spectateurs. Cet acte de performance ouvre l’intervention au passant. Du résultat final émane une sensation de calme et de bien-être qui accompagne les piétons qui traversent le lieu où est installée l’œuvre. Voici comment l’art devient un principe quotidien dans la vie des citoyens ordinaires.
Les lignes verticales et horizontales qui dessinent les villes et génèrent de l’anxiété entre les habitants contrastent de manière symbiotique avec les courbes relaxantes et enchanteresses murmurées par Bottazzi. De même, le public n’est pas dirigé dans une seule direction, car les œuvres sont abstraites et ne portent pas de titre qui pourrait orienter la perception vers une structure narrative prédéterminée. Pour l’artiste, « L’œuvre d’art challenge le potentiel créatif de celui qui la regarde. Je pense comme Kandinsky que l’art est “évolution”. L’art participe au développement de celui qui l’observe ». Le créateur de l’œuvre est mis au second plan ; il ne s’agit plus ici de l’artiste qui se raconte. Son intention est de créer un effet psychologique sur le spectateur.
Comment comprendre l’artiste français
Chaubau – Scarcity Hong Kong – Mai 2016
Ce qui suit est l’histoire typique d’un artiste moderne : décider à dix-sept ans d’être un artiste, une famille qui s’oppose à cela en pensant qu’il va mourir de faim, etc… et qui part de la maison pour réaliser ses rêves. Certain n’ont peut-être pas entendu cette histoire, mais elle est inspirante et son protagoniste est l’artiste Français Guillaume Bottazzi.
L’artiste plasticien Français Guillaume Bottazzi réalise sa première exposition à Hong Kong où il présente 23 œuvres récentes de grandes dimensions à la Bibliothèque Centrale de Hong Kong dans trois salles d’expositions.
Voici la seconde partie de cette histoire inspirante : le protagoniste, Guillaume Bottazzi, durant les 5 années suivantes, devient un artiste à plein temps, reconnu sur la scène internationale, qui obtient gloire et fortune, ayant réalisé plus de 40 projets dans l’espace public.
Guillaume Bottazzi a une attitude modeste, qui m’a beaucoup surpris la première fois que je l’ai rencontré. Malgré sa réputation, sa riche expérience internationale, il m’est apparu comme ayant la timidité et la simplicité d’un jeune homme. Bien qu’il mette l’accent sur un art le précédent de quatre siècles, bien qu’il soit internationalement reconnu, il se décrit comme un jeune artiste, n’utilise pas un ton autoritaire pour dire que son œuvre exprime une grande idée, mais vous regarde sérieusement pour vous dire « Je veux que le public ait son propre angle de vue, à vous d’imaginer », avec un sourire un peu timide.
Je ne comprends pas les œuvres innombrables de Guillaume Bottazzi, mais je me sens très à l’aise avec elles, et comme apaisée. Face à ces lignes et à ces formes flottant sur un fond monochrome, vous avez vraiment envie de demander à l’artiste ce que cela signifie, et qu’elles idées elles transmettent. Ensuite, en poursuivant la visite de l’exposition, vous constatez que tous les tableaux sont sans titre. Lorsque j’ai posé ces questions à l’artiste, il a répondu que ces lignes graphiques n’ont pas références physiques, mais portent leurs propres émotions, vous conduisent à organiser vos pensées. A la question quelle est l’ambiance que vous souhaitez créer ? l’artiste répond : « Je veux savoir ce que vous en pensez. » Alors je prends pour exemple un tableau sur fond brut qui remplit un mur entier et où la couleur est la plus abondante pour en discuter, et voici ce que cela donne : J’ai dit que je voyais dans cette peinture comme un microbe préhistorique, avec des coquilles. Il écoutait attentivement et hocha la tête, évasif, pour dire enfin, que ses œuvres sont « La liberté de la peinture » et dessinent quelque chose par elles-mêmes. Le tableau fait souvent apparaître des objets transparents, distillant des ombres et de la lumière de façon traditionnelle, puis vous vous apercevez que les angles de projection de lumière sont en fait déraisonnables, que la lumière vient de toutes les directions, verticalement et horizontalement, en films dispersés. C’est une création qui refuse de prendre en compte la physique. L’artiste dit qu’il veut seulement créer une atmosphère de l’image, afin qu’elle puisse interagir avec l’environnement. Je dirais que Guillaume est un peintre sérieux, depuis sa façon de s’habiller à celle de mener la conversation, mais nous ne devons pas nous fier aux apparences. Il est le premier à être venu à Hong Kong pour une exposition et être prêt tous les jours à parler directement avec les visiteurs. Il préside également personnellement des ateliers pendant l’exposition, pendant lesquels vous pourrez le rencontrer et profiter d’une expérience créative rare. Les productions de ces ateliers seront exposées dans le hall d’exposition.
En 2011, Guillaume Bottazzi a donné au musée d’Art International Miyanomori au Japon à Sapporo une nouvelle et merveilleuse apparence. Il a passé trois mois à réaliser une peinture de 900 m² sur toutes les faces extérieures du musée, avec des couleurs rouges, orange et jaunes qui le caractérisent. C’est actuellement la plus grande peinture du Japon. L’exposition présente quatre documentaires, dont l’un explique, pour la première fois, le processus de production de cette œuvre.
Enfin, j’ai demandé au peintre de choisir dans l’exposition l’un de ses tableaux préférés, pour prendre une photographie de lui. Il a répondu : « Mon œuvre favorite n’est pas dans cette exposition, parce qu’elle n’est pas encore réalisée et que c’est la prochaine que je vais peindre ». J’étais à présent habitué à sa façon de répondre, ce qui m’a permis de ne pas paniquer. J’ai choisi une peinture au fond rose vif, où sont peints quelques cercles qui ressemblent à des bulles blanches flottantes. Guillaume Bottazzi s’est mis devant le tableau, montrant par cela qu’il pensait que c’était un choix intéressant.
Je lui ai dit : « Je pense que le rose ressemble à votre caractère, c’est pour cela que j’ai choisi ce tableau. » Il a répondu : « Le rose est ma couleur préférée, qui donne un sentiment de bonheur, mes peintures veulent rendre les gens heureux … »
L’envol des couleurs
Guy Gilsoul, critique d’art – Le Vif L’Express – Novembre 2016
Parfois, Guillaume Bottazzi (né en 1971) délaisse la toile de lin pour un textile plus doux, soyeux même, tendu à l’extrême et dont la teinte rouge lui sert de fond.
Comme Matisse, il a compris que la texture d’un tissu avait cette capacité de rayonner tout en induisant l’impression d’un espace infini. Jusqu’ici donc, il n’a pas encore pris le pinceau. Cette surface vivante n’est pas un « fond », un mur par rapport auquel la forme deviendrait un relief, une pesanteur. Le travail de la brosse va alors s’apparenter à celui du pinceau des calligraphes japonais. Bottazzi va déposer des traces de teintes, blanches souvent, pâles toujours comme si l’essentiel était bien de garder le souffle du geste. Mais il n’est pas calligraphe. Sa main gère davantage une caresse qu’un mouvement. Elle travaille dans la lenteur, la précision, usant parfois d’un système de pochoirs comme le font les maîtres créateurs de kimonos. Ce sont alors des sortes de bulles ou de germes ou de cellules ou encore de virgules gonflées d’un vide tremblant qui s’élèvent avec lenteur vers le haut de la composition. Parfois, la blancheur est obtenue par l’effleurement de plâtre léger. Parfois d’une couleur à l’huile qui se dépose en glacis. Souvent, le chromatisme se limite à préciser un contour comme le firent depuis toujours les peintres occidentaux quand ils figuraient une larme, une goutte d’eau. Ce sont des oeuvres sans titre qui invite le spectateur à l’errance spirituelle. Bottazzi s’est aussi fait un nom dans le domaine de la peinture murale. Une quarantaine de réalisations jusqu’aujourd’hui, la dernière étant une fresque qui se réalise en ce moment Place Jourdan à Etterbeek. Nous préférons les toiles de dimensions humaines, laissant à l’architecture, le droit de se défendre à travers son propre langage.
Guillaume Bottazzi illumine les parois murales
Christian Schmitt, critique d’art – Le Nouveau Cénacle – Septembre 2015
Guillaume Bottazzi, artiste plasticien français né en 1971 s’est fait connaître pour ses nombreuses et monumentales « peintures sur parois ». Déjà très apprécié au Japon avec une peinture géante de 900 m2 réalisée en 2011 sur la façade du musée de Sapporo (Miyanomori International Museum of Art), ce même artiste a été sollicité en décembre 2014 dans le Business District parisien pour une oeuvre de 216 mètres au pied de la tour D2 à La Défense.
Avec elle, il vient de réaliser sa 70 ème oeuvre dans un endroit mythique qui peut être qualifié à juste titre comme le plus grand ensemble d’art moderne et contemporain à ciel ouvert de France.
En effet ce quartier d’affaires regorge déjà d’une impressionnante collection d’œuvres d’art tout aussi diverses et variées (sculptures, peintures, vitraux, fresques…) que ne le sont les artistes eux-mêmes (de Calder à Richard Serra en passant par Miro, Bernar Venet, Takis et César). Dorénavant la Défense va compter une œuvre d’art de plus et les piétons qui passeront au pied de l’immeuble auront tout le loisir de la contempler. Ils seront assurément séduits mais peut être aussi intrigués par l’œuvre elle-même ?
Car ce qui fascine et intrigue le plus dans cette réalisation, c’est cette distorsion surprenante voire étrange qu’il peut exister entre les supports d’apparence froide et neutre et la douceur chaude, presque enchanteresse de ses compositions.
La froideur murale face à la douceur de sa peinture
L’artiste travaille habituellement sur des surfaces uniformes en ciment fibré même si parfois il s’agit en fait d’un support amovible (un mur sur le mur) ou support sur rail. Cela a été le cas notamment de son œuvre réalisée en 2013 sur un immeuble à la Ciotat (près de Marseille), plus exactement au quartier de l’Abeille.
Mais d’une manière générale les murs, qu’utilise G.Bottazzi, impressionnent toujours par leur monumentalité et leur froideur. Pourtant ils ne sont jamais amorphes. Ils dégagent toujours une force interne liée à leur matérialité. C’est pourquoi dans leur puissance, ils paraissent souvent graves, austères voire solennels.
Souvent ils constituent l’enveloppe et la carapace d’immeubles prestigieux (musées) ou de Centres d’Affaires (La Défense) mais aussi plus humblement d’immeubles d’habitation (La Ciotat). En revanche, ils ont tous une présence frontale : le vertical, dépourvu de centre, est le signe évident de l’élévation vers le sacré ! Le mur comme matériau peut évoquer aussi quelque chose de sourd, de muet et de sombre. Et c’est donc sur ce support mystérieux que travaille cet artiste. De plus, en utilisant presque toujours un échafaudage, il entretient un contact direct et privilégié avec lui.
Ainsi G.Bottazzi peut en permanence contempler le mur à l’exemple de Bodhidharma, appelé « le brahmane qui contemple le mur », le fondateur du chan, le zen japonais. L’on comprend mieux dès lors l’attrait particulier que porte cet artiste pour le Japon ! En effet ce même brahmane a passé 12 ans à méditer devant un mur pour atteindre l’illumination, c’est-à-dire la parfaite connaissance du réel. Par conséquent, le mur auquel on se heurte et qui est ressenti par nous occidentaux comme un néant, devient en réalité pour le zen une expérience différente.
Pour lui, l’essentiel est ailleurs, la transmutation du mur en illumination. Effectivement pour les mystiques, cette obscurité et cette illumination sont une seule et même chose. Et cette distorsion ou cette opposition que l’on croyait déceler entre la froideur murale et la chaleur picturale de l’œuvre ne serait-elle pas en définitive aussi absolue ?
D’où cette autre question qui n’est pas anodine: l’artiste n’aurait-il pas entrepris, lui aussi et à sa manière, un cheminement similaire à celui du brahmane ?
Cela pourrait expliquer le caractère nettement illuminé de sa peinture ? Mais sans avoir la prétention d’apporter une réponse définitive qui serait univoque, le débat restera donc largement ouvert. Pour autant, l’on peut affirmer, sans ciller, que la peinture de cet artiste semble marquée par une expérience très comparable à celle du zen.
D’autant qu’une telle allégation a l’avantage de nous familiariser avec l’oeuvre de G.Bottazzi, en particulier avec celle du Musée de Sapporo.
En effet celle-ci résonne comme un puissant hymne coloré, plein d’espoir et d’optimisme à l’image de toutes ces formes bulbeuses qui s’enchevêtrent et s’enlacent harmonieusement. Le plus surprenant c’est qu’elles semblent vouloir prendre l’envol comme des montgolfières quittant le sol pour s’élancer dans le ciel.
Cette invitation au voyage est très révélatrice du phénomène de transmutation déjà étudié précédemment. Une transmutation qui permet de conduire à une transformation profonde d’une substance en une autre mais aussi à un déplacement d’un monde à un autre. Cela corrobore ce que dit Olivier Douville, psychanalyste et anthropologue, qui a perçu une sollicitation identique, lui qui affirme que :
« Les grands murs peints apparaissent comme des steamers s’avançant vers nous et nous invitant au voyage, clarifiant et relevant les tons et les rythmes des espaces urbains. »
D’ailleurs, G.Bottazzi, comme pour faciliter cette même odyssée, va utiliser sa technique éprouvée du glacis pour adoucir une certaine rigueur picturale et donc permettre un voyage sans écueil.
“Cela apporte beaucoup de douceur à la peinture.” selon ses propres mots.
Mais en réalité sa peinture ne se réduit pas à des détails seulement anecdotiques.
En privilégiant prioritairement le mouvement, G.Bottazzi, inscrit tout simplement son oeuvre dans une démarche artistique plus vaste et plus prestigieuse, puisqu’elle emprunte la voie initialement tracée par un certain Kandinsky.
Ce peintre prestigieux avait fait, en effet, le choix de la peinture abstraite mue par le changement et le déplacement au lieu des formes géométriques immuables.
Une abstraction fondée sur le mouvement et le changement
En fait l’abstraction contemporaine a très tôt développé deux voies opposées, l’une fondée sur les formes géométriques et l’autre sur les formes organiques.
Ces deux approches correspondaient à deux visions très différentes de la nature de la réalité. L’abstraction géométrique qui s’inscrit dans la pensée platonicienne devait conduire à une peinture plus formaliste, à l”art pour l’art” selon les conceptions de pureté énoncées par le critique d’art américain Clément Greenberg. Un art débarrassé de toute forme de narration, de représentation et de sujet. Cette orientation de l’abstraction a été développée abondamment par le mouvement De Stijl avec Mondrian, mais on le retrouve également exprimée dans les oeuvres géométriques plus statiques comme celles de Barnett Newman et de Mark Rothko.
Mais si Kandinsky était tout autant fasciné par l’aura mystique de la géométrie, en revanche l’abstraction dévoilait, selon lui, une réalité toute autre. Elle était fondée principalement sur le mouvement et le changement et concernait le vivant. Ce grand peintre a ouvert la voie à l’abstraction organique.
Chez G.Bottazzi aussi, on découvre cette même vision de l’art abstrait et tout d’abord dans ses formes aux contours adoucis et “naturels”. Ensuite dans celles qui apparaissent comme des organes vivants. En effet l’artiste aime la vie et ne se prive pas de le dire dans sa peinture. Le corps est souvent convoqué même s’il s’agit de formes allusives ou réductrices, comme celles s’apparentant à un embryon ou à un foetus (voir plus loin la toile de 2008). En vérité ce peintre privilégie les métamorphoses de toute sorte. Elles excitent son imagination et donnent sens à son art.
Toutefois le mouvement et le rythme restent mesurés chez G.Bottazzi. Car il tempère toujours ses émotions.
A la différence d’une gestuelle incisive et intrépide qu’on peut découvrir chez un de Kooning ou un Pollock, le travail de G.Bottazzi s’apparente davantage à celui discipliné et rythmique d’un calligraphe asiatique.
Parfois même, l’artiste, comme beaucoup de peintres actuels, franchit allégrement les frontières de l’organique et du géométrique pour retrouver le plaisir visuel perdu.
Le retour vers l’op art et vers l’idée de beauté
Ainsi dans les années 1960, à l’initiative de certains peintres américains qui rejetaient les principes puritains de la pureté de l’abstraction géométrique, beaucoup vont rejoindre les figures de l’abstraction organique.
Leur souci était alors de retrouver les joies de l’esthétisme.
En fait tous ces peintres abstraits vont souvent se “mélanger” à l’exemple de Brice Marden.
La plupart vont utiliser l’abstraction organique pour marquer un retour à l’ Op Art .
Ainsi Philip Taaffe et Ross Bleckner vont réhabiliter un art tendant vers la beauté.
De même, on retrouve une démarche identique pour l’op art chez G.Bottazzi.
Dans certaines de ses oeuvres, l’artiste utilise des surfaces vibrantes dans le but évident de cultiver “l’esprit de l’oeil”.
Lui non plus n’hésite pas à fusionner le géométrique et l’organique en vue du seul plaisir visuel !
Même sans parler d’un illusionnisme spatial à la manière d’un certain Al Held, cet artiste reste toutefois un adepte fervent des compositions flottantes qui exploitent toutes les techniques de la perspective.
D’où ses différents motifs évanescents qui semblent souvent en suspension dans une zone d’apesanteur.
Dans cette dernière toile, l’artiste crée un espace également magique et avec toujours ces formes organiques qui flottent et une perspective de la profondeur. Et cela grâce à ces agencements de motifs qui virevoltent et semblent parfois se dissimuler sournoisement. Tout cela conduit à une beauté presque irréelle proche de l’austérité minimaliste. Mais une question demeure: ce besoin de retourner à la beauté n’est-il pas anachronique de nos jours ?
Actuellement l’art ne prétend plus séduire car la “Beauté boite” selon Jean Cocteau ! Pourtant l’affirmation selon laquelle “la beauté sauvera le monde “ de Fiodor Dostoïevski n’a jamais été aussi vraie et justifiée de nos jours. Ce message est notamment porté et magnifié par des artistes qui comme G.Bottazzi hisse le monde grâce à cette attirance vers le beau.
Même si le propre de l’art contemporain est avant tout de questionner voire de scandaliser, l’art restera toujours fondamentalement une manifestation de la beauté liée à la passion.
A ce titre il paraît utile de rappeler les propos de Bernard Bro sur la passion des artistes :
“La passion des artistes n’est pas celle des saints. Cependant c’est quand même une “passion”.
De génération en génération, elle est plus forte qu’eux, et ils rappellent que la quête du beau commence par un effroi, par le vertige de cette solitude que connaît tout homme livré à sa liberté. Un jour celui qui voit que “la vie ne vaut rien”, découvre aussi que “rien ne vaut la vie” “.
(Bernard Bro, La beauté sauvera le monde, ed. Cerf,1990, p.364).
Couleurs, passage et temps : notes sur l’art de Guillaume Bottazzi
O. Douville, psychanalyste et anthropologue – Mai 2012
Qui fréquente ne serait-ce que durant de brefs moments Guillaume Bottazzi rencontre une subtile harmonie de détermination et de sensibilité. Une disponibilité non pas tant à parler de son art comme d’un parcours qui pourrait se récapituler ou comme d’une carrière, mais comme d’un geste, fécondant une grammaire émotionnelle de l’espace. Un art disponible qui méconnaît la disjonction formelle du spectateur et de l’œuvre dans la mesure où il la dépasse, où il fait glisser, dans des flux de formes et de couleur tapissant certains points stratégiques de la ville, des dispositions de corps et de sensations invitant le spectateur à habiter la peinture et non simplement à la regarder. Les grands murs peints apparaissent comme des steamers s’avançant vers nous et nous invitant au voyage, clarifiant et relevant les tons et les rythmes des espaces urbains.
S’il sait mettre à notre portée ces modes du surgissement des métamorphoses formelles, s’il sait ainsi retrouver et reconstruire ce qui a été séparé, soit le privé et le public, le corps et l’esprit, s’il remet sans relâche sur le chantier l’énigme de la présence du spectateur dans les tableaux et les décors qu’il contemple, ce n’est certes pas pour autant que son travail pourtant très libre soit immédiat ou seulement spontané. Bien davantage, c’est qu’il repose et sur une culture et sur une passion. Celle de l’art italien, d’un Fra Angelico, étudié très tôt, alors que l’artiste avait à peine vingt ans. Puis la passion du déplacement, du voyage, de la rencontre. Ensuite ce fut florissant et rapide, un atelier à Lyon, la consécration américaine et l’aventure japonaise débutant en 2004.
L’Asie donc. Soit un monde où l’art évoque autant qu’il montre, un monde où l’oblique voulu, l’allusivité féconde ordonnent d’autres découpes du voir et du sentir. Une traversée d’altérité aussi. Un renouvellement constant, bouillonnant. Des conjugaisons modernes et intenses entre vitesse et profondeur de champ. Des musées où se rencontrent des gestes et des créations nouvelles qui imposent dans l’espace de la ville des évènements où le corps des monuments est re-présenté, repris, recomposé.
Il en est ainsi du Miyanomori International Museum of Art à Sapporo dont toutes les façades du musée ont servi de support à une composition de Guillaume Bottazzi sur 900 m2. Une autre trace monumentale laissée au Japon étant une œuvre abstraite de 3,30 m sur 33 m de long, à Tokyo qui suggère les flux de passage et les précipitations du temps qui organisent et pulsent l’espace dans un quartier jamais endormi, toujours actif, mouvementé et qui trouve dans cette œuvre un miroir mobile et chatoyant. Œuvre inscrite dans la cité, monumentale, visible donc à partir de nombreux points de l’espace, plus ou moins errants ou fixes, rapprochés ou distants, attentifs ou furtifs ; cette présence de la surface dans ces variations d’intensité mobilise le désir de voir la peinture, en se déplaçant avec elle et, presque, dans elle. La perception du travail de Guillaume Bottazzi est alors subordonnée au corps de qui en fait la rencontre. Un corps convoqué, provoqué, invité enfin à dépasser le banal constat d’un regard atone ou figé.
Il y a quelque chose de très musical ici qui provient de ce constant balancement entre diverses possibilités du visible, dans l’enlacement de ses filtres et de ses dynamiques. L’œuvre n’est pas solitaire, vouée au silence que créent les enfermements, elle devient sérielle, réclamant et créant en même temps un public très large qui en est l’accoucheur, le témoin, le gardien.
Art des correspondances et des métamorphoses. Créer, donner à voir, beaucoup, expliquer pas davantage qu’il ne le faut. Impliquer tout autant l’autre. La rigoureuse générosité de Guillaume Bottazzi, au Japon, en France ou ailleurs, le rend présent à qui regarde et habite son travail.
Là aussi et là encore, le Japon où la médiation culturelle n’existe pas fonctionne comme un territoire révélateur. Travailler avec les spectateurs, les faire participer au temps et à la durée de la création, leur parler, se présenter à eux comme un corps qui s’établit dans l’espace et y produit des formes, des rythmes et des couleurs, a valeur d’événement. Si l’art de Guillaume Bottazzi sait contrarier la fixité par le ruissellement des métamorphoses, c’est bien dans la mesure où son art présenté et monumentalisé insiste bien plus que ne le ferait quelque chose d’achevé par le figé. J’y vois la source d’une aventure qui met en œuvre le canevas et le réseau des sensations dont le spectateur est, à son insu ou délibérément, capable. Les aventures esthétiques de l’artiste remobilisent des composantes sensorielles qui font inscrire le corps dans le temps et dans l’espace. Dans leur physique scandée et chatoyante, leur matérialité vive, leurs ébullitions joyeuses et maîtrisées et par les truchements des espaces qui s’y opèrent, les créations de l’artiste incitent à la métamorphose.
Si, à chaque fois qu’on en fait la rencontre, elles semblent aériennes, inscrivant de la légèreté et de la scansion dans l’ordonnance trop géométrique et pesante des espaces plats ou cubiques de nos villes, le temps toutefois s’y inscrit. Et de même les peintures sont lentes aussi, il faut de la durée et le rapport change en fonction des toiles. Et puis les voici autonomes à leur tour. Elles deviennent encore ce qu’en fera celui qui les voit, les visite et se sent appelé par elles. Les tableaux voyagent au gré des commandes publiques.
Je voudrais insister encore sur cet appel au corps si puissant dans l’ensemble du travail de Guillaume Bottazzi tant il s’inscrit aussi ailleurs qu’au strict plan de l’esthétisme. Et en préciser ses ressources à partir d’une expérience à proprement parler inouïe. L’artiste a tenté et assumé l’expérience de la médiation artistique avec des aveugles en France et des sourds et muets au Japon. Expérience limite donc, misant sur toutes les forces de la conversion et de la traduction, qui, par renversement des flux d’éprouvés, crée un spectateur en état-limite, soit un témoin à venir. L’art ici est le foyer d’un geste sûr, visant droit au but, allant chercher les métamorphoses du senti et du vécu et cela sans se laisser interdit ou intimidé par une théorie toute faite et toute psychologique de la sensation. L’art de Guillaume Bottazzi tresse des voisinages et des pluralités de formes et de temps. Il en va exemplairement ainsi quand il suppose, à bien juste titre, un topo à la fois physique et psychique où les sens et les flux du corps peuvent s’inventer des temps et des chatoyances inédites, peuvent vivre des dispositifs d’agencements qu’ils ne connaissaient pas encore, qu’ils ne soupçonnaient pas même. Ce en quoi, comme dans tout art novateur, Guillaume Bottazzi actualise le potentiel d’enfance (non d’infantilisme) que réclame toute métamorphose – soit un potentiel souterrain et érotique de déplacement des grammaires sensorielles convenues.
Par-delà et au-delà des blessures, des dits « handicaps » ou des catastrophes, l’artiste n’embellit pas seulement le monde, il le rend habitable et partageable, il le fait émerger avec sa parure d’énigme et de jeu.
A propos de Guillaume Bottazzi
Y. Takaishi, critique d’art – Mai 2009
Dans ses peintures abstraites, Guillaume Bottazzi s’abstient de représenter quoi que ce soit ou d’imposer la moindre émotion. Toutes ses peintures sont sans titre. En l’absence de significations qui pourraient limiter l’imagination, nous nous approchons de ses tableaux directement et en l’absence d’indices. Votre interprétation de l’œuvre dépend de la façon dont vous êtes ouvert à elle. L’ampleur de l’œuvre correspond à la vision du spectateur, parfois infiniment large ou incroyablement infime.
Pour la plupart, les hommes ont fait des œuvres d’art, sous la forme de peintures et de sculptures, afin de refléter les choses qu’ils voient dans le monde. Depuis la préhistoire, nos créations ont été innombrables comme les étoiles. L’impulsion de créer une œuvre art peut rester inchangée depuis Lascaux, mais que dire de la nécessité de voir de l’art ? Certains neuroscientifiques en science cognitive nous disent que le cerveau, tout comme l’ordinateur, est habile à éditer et à organiser les données qu’il accumule, mais moins talentueux à la création de données. Ainsi, quand les gens regardent une œuvre d’art, ils la voient à travers le filtre de leurs connaissances et de leurs expériences. De surprenantes formes insaisissables, similaires au gaz, allant du liquide au solide, habitent les peintures de Guillaume Bottazzi. Certaines des nouvelles œuvres de cette exposition évoquent la vapeur, le feu, la fumée et le matériau fondu ; d’autres rappellent le gonflement de ballons flottants ; d’autres encore ressemblent à des cellules en division.
Dans son travail précédent, nous avions vu des couleurs fortes et contrastées appliquées en différents empâtements. Mais récemment, la généreuse peinture, en surface épaisse, a cédé la place à des pigments transparents, appliqués en couches minces sur une toile non apprêtée. La masse et la densité sont désormais rendues par la pureté de la couleur. Les compositions sont plus simples et encore plus denses, un changement qui génère des tensions. Ce changement de style a évolué après le premier voyage de Bottazzi au Japon il y a plusieurs années. L’artiste lui-même a admis avoir été influencé par l’esprit stoïque des arts traditionnels japonais tels que la peinture Sumi.
Bottazzi , cependant, a toujours continué à utiliser les techniques de superposition de glacis de la peinture à l’huile classique. Il a travaillé avec d’autres médias, mais il semble que ce soit la peinture et le pinceau qui lui conviennent le mieux. Nous assistons aux mêmes touches de pinceaux dans les peintures murales qu’il crée en parallèle, même si les » toiles » sont ici les quatre murs extérieurs d’un grand bâtiment de vingt mètres. Malgré les conditions particulières qu’impliquent le travail sur des peintures murales sur sites spécifiques, Guillaume Bottazzi aime peindre des projets permanents à grande échelle, qui sont ouverts à la vue du public. Travaillant sur le front mouvementé du champ créatif, il lutte pour maintenir sa course picturale, repoussant les limites de l’art en deux dimensions.
Pourquoi les gens font-ils de l’art ? Pourquoi l’art les attirent-ils ? Au milieu de la récente crise financière et économique, certains peuvent penser que des questions comme celles-ci sont superflues. En effet, l’art n’a peut-être aucune valeur pratique, mais notre intérêt pour lui ne montre aucun signe de ralentissement. Peut-être est-ce parce que l’art éveille des sensations inconnues, et conduit notre conscience vers de nouvelles façons de voir les choses. Et, en ces temps d’incertitudes économiques et sociales – où règne le doute et où l’avenir est sombre – nous devrions avoir besoin de l’art plus que jamais.
Rencontrer une œuvre extraordinaire fait comprendre combien est rare la capacité créatrice ; le pouvoir de l’artiste d’inventer va au-delà de la personne moyenne. En étudiant précisément les tableaux de Bottazzi, nous voyons de multiples couches de matière en expansion, en mouvement depuis les profondeurs de la surface de l’image en trois dimensions, nous faisant prendre conscience du passage du temps dans le processus. Bien que Bottazzi travaille peut-être inconsciemment, sans intention spécifique, sa peinture a un effet catalyseur. Elle est pleine d’un charme étrange qui nous attire vers de nouvelles aventures.
L’abstraction de G.Bottazzi
Y. Takaishi – Novembre 2006
Quand vous regardez une peinture de Guillaume Bottazzi, les premières choses que vous remarquez sont les contours mouvants, mystérieux. Les formes, bulbeuses et élastiques, semblent flotter et s’étendre dans l’espace. Le déséquilibre entre leur douce légèreté, leur masse compacte et la composition délibérément asymétrique génèrent une atmosphère étrange. Ce qui à première vue semble avoir été peint sans but est finalement rendu avec un rythme exigeant et raffiné.
L’utilisation unique de G.Bottazzi des couleurs vives, de la lumière et de l’ombre donne l’étrange sentiment que le plan de l’image est déformé ou oblique. Dans un nouveau travail, par exemple, un hémisphère jaune côtoie une variété de petites demi-sphères. Les ombres falsifiées appliquées au grand hémisphère favorisent l’illusion de la lumière venant de toutes les directions à la fois. L’incongruité qu’il crée en détruisant l’équilibre par propos donne naissance à une énergie rebelle. En outre, la douce chaleur qui imprègne les images est créée par une palette qui semble sceller et étouffer la lumière. De près, vous êtes surpris de découvrir que G.Bottazzi utilise la technique classique de la peinture à l’huile, où une superposition de couches successives donne à la peinture une surface rayonnante.
G.Bottazzi a décidé de devenir un artiste dans son adolescence et a quitté sa France natale pour l’Italie, où il a été profondément influencé par la peinture italienne. Depuis, il a continué à faire son art tout en voyageant à travers le monde. L’artiste a maintenant trente-cinq ans et la texture picturale délicate et graduée de son travail actuel sont les fruits de longues années d’expériences. Son obsession de la matière est terminée ; il utilise uniquement les meilleures peintures, toiles et des pinceaux extrêmement doux pour créer ses œuvres avec soin, l’une après l’autre. La peinture appliquée en couche épaisse donnait un caractère massif à ses premières œuvres, menaçait de déborder les frontières de ses formes et de les geler à l’intérieur du plan pictural. Ses travaux récents offrent une impression plus délicate et raffinée. Cela peut être un effet du fort impact que l’art traditionnel japonais a eu sur G.Bottazzi lors d’une récente visite ici. Néanmoins, la profusion de ses premières toiles semble avoir été remplacée par une précision croissante.
Alors que G.Bottazzi s’intéresse de plus en plus à l’abstraction, ses idées inépuisables et infinies continuent à en repousser les frontières. Les peintres abstraits du début du 20e siècle ont expérimenté une multitude de styles expressifs; G.Bottazzi se distancie de cette tactique et en utilisant à la place la technique classique de la peinture à l’huile, cherche une nouvelle approche qui n’appartient à aucun genre. Confronté à une œuvre d’art singulière, beaucoup d’entre nous peuvent se demander ce qu’exactement nous sommes en train de voir. Un instant plus tard, nous avons la curieuse impression de nous demander comment nous interprétons l’image qui est en face de nous. Les éléments sensuels, parfois même quelques éléments figuratifs conduisent le spectateur à une illusion de confort, presque à un sentiment de réalité. L’objet de la peinture n’est jamais trop loin; on peut presque le toucher. Mais bien vite, on est emporté par un autre coin de la toile, un glissement dans la composition, un autre éveil des sens. Ces sensations contradictoires laissent le spectateur sans autre choix que de recomposer et de réorganiser ses perceptions. Au milieu de ces changements, une individuelle joyeuse « re-création » de l’abstraction se produit. L’œuvre elle-même est la collection de ces re-créations et re-compositions particulières. Comme telle, elle est fondamentalement ouverte.
La perception d’une œuvre dépend, bien sûr, de la compréhension de chacun, mais le travail de G.Bottazzi a le pouvoir de nous conduire au-delà de la simple quête d’interprétation. Il possède la puissance sous-jacente de forcer le spectateur à réévaluer inconsciemment sa notion de l’abstrait qui est à l’origine défini comme « l’extraction de caractéristiques et d’attributs spécifiques. » Son art est à la fois un moyen pour nous de remettre en question les idées conventionnelles de l’abstraction et un mode d’expression qui transcende cette question. Il fait appel aux sens parfois en utilisant des éléments figuratifs, mais la pluralité des éléments contradictoires dans les images tente invariablement le téléspectateur à faire de l’œuvre sa propre re-création personnelle et libre. Ce n’est autre que la nouvelle et dynamique vision de l’art abstrait de G.Bottazzi.